Idée reçue

Le nucléaire rend la France dépendante à la Russie

Biaisé !

En bref

Contrairement à ce qui est régulièrement avancé, les liens entre la filière nucléaire française et russe ne rendent pas la France dépendante à la Russie pour le bon fonctionnement de son parc nucléaire.

En détail

L’approvisionnement en Uranium

Le premier niveau de dépendance éventuelle concerne l’approvisionnement en uranium. Selon le Comité Technique Euratom, les principaux pays fournisseurs de la France au cours des cinq dernières années ont été le Kazakhstan (31 %), l’Ouzbékistan (22 %) et le Niger (21 %). Les importations d’uranium naturel en provenance de Russie, quant à elles, ont été totalement négligeables ces vingt dernières années [1]. Concernant l’importation d’uranium enrichi, seules des données douanières sont disponibles, et leur fiabilité est malheureusement limitée. Elles indiquent toutefois une importation moyenne de 200 tonnes d’uranium enrichi en provenance de Russie au cours des trois dernières années. Un chiffre qu’il convient de mettre en perspective avec les exportations françaises, la France ayant exporté environ 1 800 tonnes d’uranium enrichi annuellement sur la même période. [2]

L’Uranium de retraitement

Le principal lien avec la Russie concerne en réalité l’enrichissement et la conversion de l’uranium de retraitement (URT). La France, ayant choisi de retraiter son combustible, produit de l’URT mais ne dispose pas des infrastructures nécessaires pour le transformer en uranium de retraitement enrichi (URE), sous-traitant ainsi cette étape à la Russie. Il faut néanmoins garder à l’esprit que l’utilisation d’URE n’est absolument pas indispensable au fonctionnement du parc nucléaire : seuls 4 réacteurs sur les 57 réacteurs français sont autorisés à en utiliser, tout en ayant la capacité d’exploiter du combustible standard. En raison des évolutions géopolitiques récentes et de la hausse des cours de l’uranium, l’entreprise française Orano envisage de nouveau la création d’un site de conversion et d’enrichissement d’URT [3].

Acheminement de l’uranium

Route Transcaspienne / Source : TITR official website

Un autre point de dépendance possible concerne l’acheminement de l’uranium naturel depuis le Kazakhstan et l’Ouzbékistan. Avant le déclenchement de la guerre en Ukraine, l’uranium kazakh destiné aux pays occidentaux était majoritairement exporté via la « route du Nord », traversant la Russie avant d’emprunter la mer Baltique. Cette situation a toutefois évolué : en 2023, le principal producteur mondial, Kazatomprom, a indiqué que 64 % des livraisons à destination des pays occidentaux passaient par la « route transcaspienne », évitant ainsi la Russie [4]. De plus, bien que l’entreprise russe Rosatom ait historiquement joué un rôle clé dans l’exploitation minière au Kazakhstan, elle semble amorcer un retrait progressif, ayant cédé trois de ses six participations dans des mines d’uranium kazakhes en 2024 [5]. Pour conclure, le lien entre les filières nucléaires françaises et russes ne constitue pas une menace grave pour la souveraineté française. Enfin, il convient de rappeler que les importations françaises d’uranium représentent environ 1 milliard d’euros, un montant modeste au regard de la facture énergétique totale du pays, qui s’élevait à 71,2 milliards d’euros en 2023 [6].

Sources :

[1] Données CTE, CTE, https://www.cte.gouv.fr/ (Données fournies sur demande par le CTE)

[2] Données export-import uranium enrichi, Direction générale des douanes et des droits indirects, https://lekiosque.finances.gouv.fr/site_fr/NC8/Resultat_nc.asp?lanc=28442035 (Attention les données de 2022 sont erronées) 

[3] Comprendre les flux d’URT entre la France et la Russie, SFEN, https://www.sfen.org/rgn/decryptage-six-questions-pour-comprendre-les-flux-duranium-de-retraitement-entre-la-france-et-la-russie/ 

[4] Route transcaspienne, Kazatomprom, https://www.kazatomprom.kz/en/media/view/announces_the_approval_of_its_updated_development_strategy_for_2025_2034 

[5] Vente de participations de Rosatom, Reuters, https://www.reuters.com/markets/commodities/russia-sells-out-vast-kazakh-uranium-deposits-china-2024-12-17/ 

[6] Facture énergétique de la France, Ministère de la transition écologique, https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/chiffres-cles-energie-2024/4-depenses-en-energie