Idée reçue
Ils ont dit que le nuage de Tchernobyl n’avait pas traversé la frontière
Trompeur !
En bref
En détail
Si une chose est sûre, c’est bien que ni les pouvoirs publics ni les médias n’ont affirmé que « le nuage de Tchernobyl n’a pas traversé la frontière ». Essayons alors de comprendre comment cette légende urbaine s’est progressivement construite.
La chronologie des faits
Le 26 avril 1986, un exercice sur l’un des réacteurs de la centrale de Tchernobyl tourne à la catastrophe, conduisant au rejet d’éléments radioactifs dangereux dans l’atmosphère [1]. Le 28 avril, un niveau de radioactivité anormal est détecté par une centrale nucléaire suédoise ; d’autres détections de ce type suivent dans d’autres pays européens. Confrontée à ces mesures, l’URSS reconnaît pour la première fois l’existence d’un incident nucléaire sur la centrale de Tchernobyl [2].
Le fameux panneau STOP
Le 30 avril, le journal d’Antenne 2 réalise un reportage sur l’accident et présente des cartes météorologiques - sur lesquelles figure un panneau de signalisation “STOP” - expliquant que, si les prévisions météorologiques se réalisaient, la France pourrait être partiellement épargnée par le passage du nuage radioactif. Ceci tout en soulignant néanmoins qu’il s’agit là uniquement de prévisions à 3 jours et que la centrale de Tchernobyl pourrait très bien continuer à relâcher des radionucléides après cette échéance.
Le climat était d’autant plus angoissant que l'État fédéral de Baden-Württemberg, de l'autre côté du Rhin, avait imposé des restrictions alimentaires en prévision des retombées radioactives attendues.
L'annonce du passage du nuage radioactif
Ces prévisions ne s’étant pas réalisées, le journal d’Antenne 2 annonce dès le lendemain midi l’arrivée du nuage sur le territoire français, en affirmant néanmoins qu’il ne présentait pas de risque pour la santé publique. Ce même 1er mai, le SCPRI (service responsable de la radioprotection à l’époque), transmet à l’Agence France Presse un communiqué, signé par son directeur le Professeur Pellerin, indiquant que le territoire français était survolé par le nuage radioactif, tout en précisant : « ce niveau est sans aucune incidence sur l’hygiène publique » [3].
Une communication maladroite de certains ministères
Il faut reconnaître que la communication des pouvoirs publics a été parfois maladroite. Le 6 mai 1986, le ministère de l’Agriculture publie un communiqué indiquant : « Le territoire français, en raison de son éloignement, a été totalement épargné par les retombées de radionucléides consécutives à l’accident de la centrale de Tchernobyl. » Phrase objectivement fausse. En effet, si, du fait de son éloignement, les retombées de radionucléides ont été beaucoup plus faibles que dans les pays voisins, elles n’ont pas été inexistantes, et il est vrai qu’il y a eu des concentrations de retombées dans certains endroits dues à la météo locale.. Le communiqué va même jusqu’à se contredire dans la phrase qui suit : « À aucun moment, les hausses observées de radioactivité n’ont posé le moindre problème d’hygiène publique. » [4].
Pour conclure, cette phrase du « nuage arrêté à la frontière » a été forgée et utilisée a posteriori, souvent pour symboliser la différence entre les mesures prises en France et celles prises dans certains pays voisins. Pour en apprendre plus sur le sujet, on ne peut que vous recommander la vidéo de l’Association Française pour l’Information Scientifique (AFIS) sur le sujet :
Sources :
[1] Le déroulement de l’accident de Tchernobyl, IRSN, https://www.irsn.fr/savoir-comprendre/crise/deroulement-laccident-tchernobyl
[2] L’accident de Tchernobyl, Connaissance des énergies, https://www.connaissancedesenergies.org/fiche-pedagogique/tchernobyl
[3] Telex Professeur Pellerin 1er mai 1986, SCPRI, https://inis.iaea.org/records/3ksk6-1c529/files/43095317.pdf?download=1 (p.42)
[4] Affaire Mamère, Cour européenne des droits de l’homme, https://actu.dalloz-etudiant.fr/fileadmin/actualites/pdfs/02_2016/AFFAIRE_MAMERE_c._FRANCE.pdf (p.5)